10 nov. 2011

Charlotte & Olivier


Les corps de Charlotte Demetz et Olivier Sourzac, les deux alpinistes disparus dans les Grandes Jorasses la semaine dernière, ont été rapatriés aujourd'hui par les sauveteurs italiens. Ils gisaient à plus de 4000 m d'altitude, morts de froid. Cette triste actualité se retrouve abondamment commentée sur les sites d'information, laissant apparaître de la part des intervenants deux positions bien différentes, et inconciliables.
Certains internautes posent la question de savoir quel est le coût des opérations de sauvetage en montagne pour la collectivité. D'autres, ou parfois les mêmes, vont à s'offusquer de l'émotion soulevée par la disparition de ces "aventuriers" qui avaient mis leurs vies en danger en toute connaissance de cause... 
Je vois dans ces deux premières tendances une attitude obscène et insupportable de la part de ceux qui les expriment. Est-il interdit de se poser ces questions ? Non, certainement pas, mais l'instant pour le faire n'est peut-être pas celui où une légitime émotion devrait prévaloir. Avant toute autre chose. De la même façon qu'il me serait ignoble d'évoquer le coût des obsèques d'un proche tout juste disparu, je crois que ces deux êtres humains en quête d'absolu méritent -à l'instant présent- le respect, ou tout au moins le silence.
M'objecterait-on que ces personnes ne nous sont pas proches, je répondrais qu'elles le sont bien plus que nous ne pouvons l'envisager, et qu'au-delà de la méconnaissance que nous avions de leurs êtres et de leurs vies il nous reste en commun ce trait unique qu'est notre caractère d'humanité.
Peut-être que ne pas vouloir voir cet inestimable point commun revient à vouloir ignorer ce que nous avons fait de notre propre humanité, pervertie, aliénée et soumise à tant de viles compromissions. Peut-être qu'il nous est préférable de ne pas voir ou ne pas comprendre ce que Charlotte Demetz et Olivier Sourzac avaient choisi de faire de leur humanité, l'orienter vers un dépassement de soi grandiose au risque de la maintenir sur le fil dans un fragile équilibre. Dans un monde où règnent les notions de profit, d'épargne et d'assurance, il est sans doute plus facile ou plus confortable de ne pas s'aventurer à comprendre la démarche de ces idéalistes prêts à côtoyer de très près -et cette fois trop près- les limites. Au risque de se perdre diront certains, peut-être se sont-ils en fait trouvés...

Cette photo est parue ailleurs, il y a longtemps, sous le titre "Hostile".

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